Le chien est rentré à la maison.

Aux Cents-Pointes, il y a pas grands animaux. Les lapins sont tués pour faire des banderoles, les rats mangés, les chats enfermés chez la Voyante, les chiens tués dans les bagarres... La caverne du crime ne possède que très peu de vie, à proprement parlé. Jadis, un chien était bel et bien présent, capable de survivre aux combats et aux faims des brigands. Mais enfin, avec le temps, il était partit.

Toutefois, un bon jour, un groupe de badauds des Cents-Pointes avaient remarqué un cabot, la queue basse et le jappement facile. L'une de ses oreilles était en partie tranchée, ses pupilles fixes balayaient les alentours prudemment, mais il marchait avec désinvolture parmi les déchets. Les plus vieux des ruelles plissaient les yeux à son passage, alors qu'ils tentaient tous de se souvenir d'à qui il était. Ça ne prenait pas tant de temps que leurs yeux s'éclairaient avec un air malsain, d'une moue haineuse ou d'un désir de vengeance.

Mais au détour d'une ruelle, alors que le chien s'enfonçait dans les sinueux couloirs familiers, deux adultes tombèrent face à lui. L'un d'eux était armé d'une dague et l'autre, d'un corde et d'une muselière. On racontait que le plus grand avait lancé :

- Main'tnant qu't'es plus l'chien de personne, l'Lyan, 'faut profiter !

Ce à quoi on avait répondu, dit-on, d'une lapidation soudaine à la fronde provenant de tous sens, donnant l'occasion à notre petit revenant de filer à la première roche dans l'œil de ses opposants. Lyan, le Cabot, foulait à nouveau le sol des Cents. Cette fois-ci, tout de même, il avait changé d'argument contre le tabassage... mais qui sait, les orphelins sont toujours moins effrayant qu'un Chancelier.